Portrait d’une foire
J’ai 60 ans aujourd’hui, je suis une vieille dame qui a grandi en
même temps que cette commune qui m’a vue naître : Vertou, au Pays
du muscadet.
J’étais alors Comice agricole, et Vertou était un gros bourg,
chef lieu d’un canton rural agricole : Lorsqu’on allait de Nantes
à Vertou, on disait qu’on allait “à la campagne”.
C’est à l’initiative du syndicat viticole que je me suis
retrouvée là, boulevard des sports, sur le stade de foot, en plein
centre bourg, dans le but de faire la promotion des acteurs
économiques locaux, de la “réclame”, comme nous disions à
l’époque.
L'effervescence démarre bien avant le jour J :
Il faut préparer le terrain, mettre des guirlandes, des fanions dans
les rues pour m’annoncer, sonoriser la place : les hauts parleurs
de la maison Olivier (magasin d’électricité), sont installés
pour permettre la promulgation des prix : la plus belle laitière, le
meilleur muscadet...
Il faut monter les stands, installer les chapiteaux, les attractions,
les animaux…, déjà la Fête, en quelque sorte.
Dans le souvenir des petits, reste de moi le stand du “Chamboule
tout”, celui du boulanger, ou l’on pouvait acheter des réglisses
et des coquilles, ces petits coquillages en plastique moulé que l’on
suce, la baraque du forain avec la Barbe à papa. Le matériel
agricole, bien sûr, avec ses tracteurs sur lesquels on pouvait
monter. Puis les premiers objets publicitaires : des ballons que l’on
gonfle, merveille des merveilles.
Il reste aussi ce parfum de lait, aromatisé à la menthe ou à la
grenadine.
C’est la Chambre d’Agriculture qui avait lancé cette campagne de
“propagande” : juchés sur un joli camion transparent aménagé
spécialement pour l’opération, des jeunes du canton distribuent
gratuitement du lait à leurs benjamins : des gros bidons de 20
litres, un système de pompe, un “bar à lait” en quelque sorte.
Une hérésie en pays muscadet, disent certains, et pourtant, un
dicton local dit “un bon ivrogne aime le lait et le vin.” Et
puis, c’est un vrai plaisir de faire plaisir, ai-je toujours
entendu dire les distributeurs, sur au moins trois générations....
l’animation a duré bien après la fin de la campagne de la Chambre
d'agriculture, jusqu’à la disparition des vaches sur la commune,
même si, sur la fin, les contraintes sanitaires et vétérinaires
ont mis fin à l’époque des bidons pour les remplacer par les
briques de lait que vous connaissez maintenant.
Pour les enfants un peu plus grands, je suis un premier souffle de
liberté. Il est bon pour les copains et copines de se retrouver dans
un autre contexte que l’école, la routine quotidienne : les
parents leur lâchent la bride un peu plus que d’habitude, occupés
eux aussi aux attractions. A l'âge des premiers rendez-vous
amoureux, le tir à la carabine et les autos-tamponneuses sont
l’idéal pour draguer les filles qui sortent pour l’occasion
leurs tenues de printemps, (même s’il ne fait pas toujours très
chaud). Des après-midi de détente, de rires, où les nombreux bars
à Muscadet sont parfois le théâtre des premières cuites, et
toujours le terreau des souvenirs heureux. il parait même qu’à
plus de 60 ans, certains de ces enfants devenus grands, continuent
d’en faire un tour chaque année, en souvenir de cette époque
insouciante.
Grands et petits, tous achetaient les enveloppes surprises.
5 francs l’une, 10 francs les trois, allez y, tous les numéros
sont gagnants ! Des gros lots, des p’tits lots, tentez votre chance
de gagner un bon d’achat, un repas au resto, le portrait de vos
enfants, des bédés de Lucky Luke et biens d’autres cadeaux
encore, généreusement offerts par vos commerçants vertaviens.
Au début, il en partait bien 1000, des enveloppes, avec une centaine
de gros lots. Y’en avait plus dès le dimanche après-midi. A la
fin, on en faisait bien 2400. Et c’est du boulot ! Il faut les
chiner dans tout Vertou, les communes alentour, les lots.
Puis il faut préparer les enveloppes : écrire les numéros sur les
tickets, cacheter les enveloppes. On a tout essayé pour le collage :
avec la langue, le pinceau, la petite éponge. À la fin, on devait
plus les coller, je pense. on prenait des enveloppes autocollantes.
Allez allez, achetez mes enveloppes surprises, 5 franc l’une, 10
franc les 3 !
On n’est jamais passé à l’euro, on a arrêté avant. Les deux
dernières années, victime de notre succès, il a fallu présenter
une attestation de la mairie pour chiner les lots : des petits malins
s’étaient prétendus “de la foire” pour rapiner les
commerçants…
Ce qui n’a jamais changé?
Le muscadet, bien sûr ! Au début, il y avait au moins sept bars.
Chaque commune du canton avait le sien, présentait ses vins. Je peux
vous dire que des zozos éméchés, j’en ai vu les soirs de foire.
Ça picole moins maintenant, époque oblige, mais il y a toujours
l’air du muscadet qui rode autour de moi.
Les animaux. J’ai toujours couvé des animaux en mon sein. Les
vaches, bien sûr, race frisonne normande ou charolaise. Dans le
temps, chacune de ces belles avait son concours. Puis sont venues les
juments poulinières, l’exposition avicole. Ça ne sent pas
toujours très bon, mais on s'habitue vite. Maintenant, c’est
toujours les animaux qui attirent le plus les enfants, mais poules,
lapins, pigeons et poneys ont changé de de statut : d’animal de
ferme ou de basse-cour, ils sont devenus “de compagnie”.
Et puis il y a les exposants historiques, ceux qui ont toujours été
là : Le marchand de matériel électroménager, celui de matériel
agricole, les maraîchers - qui composent toujours pour l’occasion
de magnifiques mosaïques avec leurs fruits et légumes, de vraies
oeuvres d’art éphémères - le plombier, le directeur du Crédit
Agricole... Bref, tous les acteurs économiques et les notables, les
artisans de Vertou me soutiennent et sont présents chaque année. Il
faut dire que sans exposants, pas de foire. De même que le comité
d’organisation est ma cheville ouvrière, ils sont mon coeur, mon
sang.
Chacun a sa raison d’être là : d'aucun viennent voir les clients,
saluer les collègues, prendre le temps de discuter, montrer qu’ils
existent toujours. Être présent à la foire, c’est une question
d’image, un gage de sérieux, même une question de civisme, me
dit-on!
D’autres aiment à faire de la pédagogie : prendre le temps
d’expliquer le métier, les produits et les services qu’ils
proposent.
Et puis, je suis une fantastique une vitrine : Certains ont débuté
ici , testant leur activité avant de se lancer.
En somme, on va à la foire comme on va au troquet, c’est le lieu
de la vie sociale, de la rencontre et du dialogue. Celui de la bonne
humeur, aussi. Ça non plus, ça ne change pas.
Je rime avec rigolade. Comme un carnaval, je suis le lieu où l’on
tombe le masque, où l’on se lâche, où l’édile et le badaud
fraternisent. Il n’y a plus de rôles, de hiérarchie mais des gais
lurons qui font la foire, dans tous les sens du terme, ensembles.
Je ne suis pas une grosse foire, comme celle de Nantes, ma voisine
Je ne suis pas une foire quasi millénaire, comme celle de Béré,
mon aînée
Je suis même peut-être bien la plus petite foire à l’ouest du
pecos,
Mais comme ont dit dans le monde de la foire,
La foire, c’est un état d’esprit : y’a pas de grande foire,
pas de petite foire, y’a LA foire….
Texte
écrit à partir de témoignages recueillis auprès des acteurs de la
foire.
Je me souviens...
RépondreSupprimerDes gros camions des établissements Priou, marchands de bestiaux, qui venaient sélectionner puis chercher 5 ou 6 vaches à la maison, le dimanche matin avant la traite pour le concours de la meilleure laitière. Quelquefois, elles partaient avec leurs petit veaux. Papa aussi partait avec les camions pour récupérer des animaux dans toute la commune : il fallait faire le tour des exploitations et veiller à ne vexer personne - Être certain de sélectionner une bête dans chacune des fermes visitées -.Avant la foire, les vaches étaient parquées ”Pré des treilles” à côté de l’église, là où il y a une école maintenant. Parfois, les gens en profitaient pour ramasser les bouses laissées sur le trajet jusqu’à la foire.
Nous étions tout heureux et fiers d’aller là-bas l’après-midi avec Maman, retrouver Marguerite, Normande, Championne…
Je me souviens…
On allait à la foire pour découvrir les nouveautés : le premier réfrigérateur, la TSF, puis la télé, le lave linge… Quand on avait besoin d’un électroménager à acheter, on attendait la foire. Il y avait des “prix foire”, des prix cassés : c’était les soldes de l’époque ! Quand on s’était mis d’accord, qu’on avait fait affaire, on se tapait dans la main.
Je me souviens…
De la place Saint-Martin. Y’avait la quincaillerie, là ou est la marie maintenant. j’y apportais les échantillons pour papa, les c’est eux qui faisaient les analyses de vin. Moi, c’est là où j’ai acheté le premier cadeau de fête des mères maman. .
Y’avait le maréchal-ferrant, un chapelier. Et la sabotière, aussi. Mme Moulet, rue Charles Lecour. Elle vendait les sabots que son mari faisait, C’est là que maman nous chaussait.
Je me souviens…
Cette année là, nous avions tenté de faire gagner les jumeaux nouveaux nés de Michel V. en panier garni, personne n’en a voulu. Ils doivent avoir 15 ans, maintenant…
Je me souviens…
Dans les années 80, on faisait en une foire le Chiffre d’affaires d’un mois. La foire était une journée commerciale. Maintenant, la foire, c’est plus de la communication que du commerce : Avant, on faisait découvrir les produits, maintenant avec internet, les clients en connaissent plus que nous!
Je me souviens…
La foire, c’est traitre : vous allez de stand en stand, vous buvez un coup avec chacun, et vous vous retrouvez murgé, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
Je me souviens…
L’année où la Sèvre à débordé. Cette année là, il avait plu tout le mois d’avril.
le terrain sur l’herbe était impraticable, on avait été rapatrié sur les parkings.
çà n’avait pas été triste !! Sûr, il a fallu faire des trous pour accrocher les bêtes sur le bitume.
Je me souviens…
De la décoration et de l'aménagement des stands.